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Comme une servile action
Qui dépend d’une autre puissance,
N’ayant aucune connoissance,
N’a point aussi d’affection[1].

Voilà le soleil bien justifié : c’est ainsi qu’il l’était dans le Traité des Bienfaits : « Vous me direz que les dieux font du bien aux ingrats comme aux bons… tout ce que vous alléguez, le jour, le soleil… sont choses qui ont été généralement faites pour tous les hommes[2] ». Ce n’est donc pas le soleil qui a tort ; ce sont plutôt les hommes : « L’autre sait bien que c’est au soleil que nous devons les intervalles du jour et de la nuit… et cependant il aime mieux de lui donner tout autre nom que de l’appeler Dieu[3] ». Comme « cependant le soleil ne laisse pas de se lever[4] », vous voyez d’ici la matière de bien des tirades pour les poètes classiques, depuis Malherbe jusqu’à Lefranc de Pompignan :

Le dieu, poursuivant sa carrière,
Versait des torrents de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.

Comme il juge le ciel, Malherbe juge le monde et la vie. La mutabilité incessante des événements et des choses est exprimée de la même façon dans les Épîtres à Lucilius et dans l’Ode sur la prise de Marseille : «  le monde est sujet à mutation, et ne demeure pas en un état ; car encore qu’il continue à avoir toutes les choses qu’il a eues, il les a d’autre façon qu’il ne les avoit, ou bien elles

  1. Malh., I, 78.
  2. Malh., II, 118, 119 et passim.
  3. id., II, 248.
  4. Ibid., et II, 4.