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Sénèque, et c’est ce que Malherbe, comme les hommes du XVIe siècle, a exactement retenu. « C’est de la philosophie, disait l’Épître XVI, qu’il faut apprendre à nous humilier à Dieu, vouloir ce qu’il veut…[1] » « S’il est galant homme, il voudra ce que Dieu veut[2] », écrit Malherbe à Colomby ; et à Du Périer :

Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos[3].


Comme l’idée de fatalité est au fond de toute cette philosophie, le mot fatal, auquel le pétrarquisme avait déjà donné une grande vogue du temps de la Pléiade[4], reviendra à tout instant dans les vers de Malherbe — plus souvent encore que « la Fortune » dans Montaigne. Il sera tout aussi fréquent — sans plus avoir la même raison d’être — chez ceux qui vont

Dans leurs vers décousus mettre en pièces Malherbe,


et Pascal le mettra au nombre des mots ridicules que les poètes emploient quand ils ne savent que dire.

Proclamer la vanité du monde, de ses occupations et de ses plaisirs, et en outre considérer l’homme comme le jouet impuissant d’une fatalité inexorable : c’était fermer de tous côtés le chemin aux regrets et aux plaintes humaines. Aussi, tant que dure en France le règne de la raison, Sénèque reste le maître des consolateurs ou du

  1. Malh., II, 322.
  2. IV, 75.
  3. I, 43 (derniers vers). C’est ce qu’avait dit aussi Desportes dans une élégie dont l’auteur des Stances à Du Périer paraît s’être souvenu, comme on verra plus loin.
  4. Cf. Du Bellay, Contre les pétrarquistes, dans les Jeux rustiques (éd. Marty-Laveaux, p. 333-4). Pascal, Pensées (éd. Havet), VII, 25.