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FABLES ORIGINALES

Et repris de nouveau, repoussé plus avant,
Gambadait, ricochait, sans cesser un instant.
La pierre d’un gros mur, respectable commère
Que tapissaient l’ajonc, la mousse, la bruyère,
Femme sensible s’il en fut,
Vit passer le caillou, lui rendit son salut ;
Et comme il s’arrêtait, fatigué, non loin d’elle,
Se reposer un peu, la bonne âme l’appelle :
— Venez donc vous asseoir à l’ombre de mon mur ;
Vous y serez très bien, l’endroit est calme et sûr.
Le voyageur s’assied. On cause politique,
Des affaires d’État, de la chose publique.
Un mot se dit sur vous, une phrase sur moi,
On daube le voisin, et l’on arrive à soi.
Petit caillou ravi de l’accueil de la pierre,
Avec grâce loua sa fraîcheur printanière :
Elle pouvait avoir tout au plus quatorze ans
Et rayonnait la nuit autant que diamants.
(Le sexe féminin aime la flatterie)
La pierre goûta fort cette galanterie.
— Mais vous-même, mon cher, vous êtes bien joli,
Vous sautez, vous courez, leste comme un cabri,
Minauda poliment la doyenne coquette,
Qui du temps des Romains n’était guère jeunette,
Car elle avait déjà, d’après un roc bavard,
Sous leurs prédécesseurs pavé le boulevard.
Le roc tenait le fait de sa grand’mère roche,
À laquelle un granit, cassé par la pioche,
L’avait conté jadis
À Paris.