Page:Courant - En Chine, mœurs et institutions, hommes et faits, 1901.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

institutions familiales, fortes et respectables, ses associations communales et commerciales, les théories de ses anciens sages qui, à ses yeux, ont assez connu la nature humaine pour que leurs œuvres dûment interprétées contiennent la réponse à tous les problèmes qui se sont posés et se poseront à l’humanité, tout cela forme pour lui un corps de dogmes intangibles, en dehors desquels il ne conçoit que barbarie. À combattre ses idées, l’étranger risque d’accroître le mépris dont il est l’objet ; à les dédaigner ouvertement, il ne réussira qu’à s’attirer une hostilité plus vive. Quelle que soit la valeur de la civilisation chinoise, il faut et il faudra longtemps encore la prendre telle qu’elle est ; si l’on veut faire des transactions avec les indigènes, il faut s’accommoder à leurs coutumes et à leurs goûts, ne chercher à innover qu’avec une extrême prudence, quand on est dix fois sûr du terrain acquis, quand on peut faire toucher du doigt la supériorité des procédés d’outre-mer. Il ne suffit donc pas de vivre, fût-ce pendant vingt ans, au milieu des Chinois : il faut les comprendre, connaître leurs mœurs pour pénétrer leurs goûts, savoir quels sont leurs besoins et leurs ressources, profiter de l’heure où ils sont disposés à acheter et en mesure de le faire, deviner la forme sous laquelle ils accepteront telle entreprise industrielle et voudront la seconder, gagner par quelques marques de déférence l’appui de ceux qui dirigent l’esprit du peuple. La sédition chinoise, qui a déjà fait trop de victimes et causé trop d’inquiétudes, est due pour une certaine part à l’oubli de quelques-uns de ces principes. On a trop affiché le mépris des Chinois, on a voulu brusquer leur transformation ; ils protestent et ils regimbent. L’Europe, par ses compétitions et par son esprit mercantile, s’est montrée désunie, et inférieure à la civilisation qu’elle prêche ; les