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LES COMMERÇANTS ET LES CORPORATIONS

des suites d’un châtiment trop rude. Aussi voit-on parfois se noyer des apprentis trop paresseux ou vraiment trop maltraités. À cette discipline purement commerciale, à cette vie sevrée de tout autre intérêt, le jeune homme acquiert une tournure d’esprit spéciale, et c’est là ce qui contribue le plus à faire des marchands une classe stable, ayant ses tendances à part. Lorsque l’apprenti, au bout des trois ans, est reconnu capable, le père apporte un cadeau d’une valeur appropriée à ses moyens, le fils se prosterne devant le patron et lui exprime ses remerciements ; la cérémonie se termine par un banquet offert par l’apprenti et où l’on convie quelques commerçants amis, quelques gens du métier ; il est rare qu’une circonstance solennelle ne soit pas accompagnée de réjouissances culinaires. Dès lors, le jeune homme est libre de travailler où et comme il l’entend ; mais il n’est jamais délié de ses obligations envers son ancien patron : il doit lui marquer sa reconnaissance par des visites, par des cadeaux aux époques rituelles de l’année, il doit l’aider même de sa bourse, le soigner, assister à ses funérailles.

Désormais le nouveau compagnon s’engage librement, moyennant salaire, là où il trouve de l’emploi, chez son ancien patron ou chez un autre, ou dans une autre ville. Selon ce qu’il a d’intelligence et de chance, il restera toute sa vie dans cette position subalterne ou il s’élèvera plus haut. Le chef des commis, celui qui commande dans la boutique, porte le nom de tchang-koei-li, à peu près équivalent à caissier ; c’est lui, en effet, qui détient l’argent, comme fait le patron dans les petites maisons de commerce françaises. Le tchang-koei-li est souvent patron, c’est-à-dire qu’il fait les affaires avec son capital et qu’il les dirige en personne. Mais un homme qui, ayant été longtemps