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ANNALES DES SCIENCES POLITIQUES.

toute négociation, les chefs du mouvement devraient être livrés pour être châtiés ; mais s’il était difficile de s’emparer d’eux après la fuite de la Cour et des divers corps d’armée, il l’était au moins autant de leur persuader de livrer bénévolement leur tête, alors qu’avec leurs soldats ils entouraient l’Empereur et l’Impératrice douairière. Les onze Puissances alliées, revenant à une plus grande modération, ouvrirent donc les négociations qui se déroulèrent avec toute la lenteur que l’on pouvait attendre du nombre des négociateurs, de l’astuce des Chinois, de l’éloignement de la Cour, tandis qu’à Sin-gan l’Impératrice usait de non moins de dextérité que ses représentants à Péking, pour rejeter la tutelle du prince de Toan et de Tong Fou-siang, pour redevenir maîtresse de ses actes. C’est ainsi que, les 13 et 21 février, furent enfin rendus des décrets infligeant des châtiments pour les crimes de l’été précédent. Quelques-uns des condamnés ont été exécutés sous les yeux mêmes des représentants de l’Europe : espérons qu’il n’y a pas eu substitution de personnes. Quant à ceux qui ont reçu l’ordre de se suicider ou dont la mort naturelle est survenue à l’époque de la condamnation, on peut se demander s’ils ne reparaîtront pas quelque jour. Il était d’ailleurs difficile de lancer à travers la Chine une expédition pour saisir une demi-douzaine d’hommes, dont l’identité aurait ensuite été presque impossible à établir. Une satisfaction a donc été obtenue, peut-être plus apparente que réelle ; mais elle acquiert plus de valeur par la dégradation posthume de Kang-yi, Siu Thong et Li Ping-heng, ainsi que par la réhabilitation de quelques fonctionnaires mis à mort pour leurs protestations en faveur des étrangers. Tong Fou-siang, trop puissant, le prince de Toan, son frère Tsai-lan, parents trop proches de l’Empereur, ont été privés de leurs charges, dégradés, et les deux derniers exilés à Ouroumtsi. Pour l’Empereur, il pouvait être à la fois politique, juste et digne de ne livrer ni son propre sang, ni un soldat peut-être fidèle, dont le principal tort est d’avoir trop bien obéi aux ordres malencontreux de certains familiers du Palais. En réalité, le général Tong s’est retiré au Kan-sou, dans sa famille, au milieu de ses partisans ; le prince de Toan serait non dans sa prison perpétuelle, mais au milieu de tribus mongoles dont le prince lui est allié par le sang : l’un et l’autre constituent donc un danger pour le gouvernement. Toutefois ils ne semblent pas en mesure d’agir, puisque, depuis plus de six mois, ils n’ont rien tenté pour remettre la main sur la Cour qui était dans leur voisinage à Si-ngan. Ils ont laissé les souverains partir sans avoir agi, c’est un aveu d’im-