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EN CHINE : LES EFFETS DE LA CRISE, INTENTIONS DE RÉFORME.

puissance. Il semble que la crainte de ces deux disgraciés ne doit pas être étrangère au projet de fixer la capitale à Khai-fong.

En 1858-1860, les ministres de Hien-fong ont violé les lois internationales, entassé fautes sur crimes, emmené l’Empereur à Je-ho, puis disparu dans les ruines, laissant la place à des hommes d’État plus avisés, à Oen-siang, au prince de Kong, à l’Impératrice de l’ouest, aujourd’hui unique Impératrice douairière ; les défaites des armes impériales, la fuite du Fils du ciel, l’ouverture de la Capitale aux troupes franco-anglaises ont inauguré une ère, sinon d’entente avec l’Europe, du moins de résignation à la nécessité et de progrès vers les idées occidentales ; c’est alors qu’on a vu les représentants étrangers résider pour la première fois à Péking, les missions d’étude, les légations installées en Europe et en Amérique, la multiplication des ports ouverts, l’essai de l’armement moderne pour les troupes de terre et de mer, l’extension du télégraphe à travers toutes les provinces. La secousse de 1900 a, pour la Cour et pour les mandarins, été plus rude : la leçon sera-t-elle plus étendue et plus durable ? la Chine saura-t-elle qu’il est de son intérêt de comprendre les étrangers, de ne pas déchirer à la fois tous les traités ?

Il n’est pas croyable que les souverains oublient leur fuite précipitée dans les deux voitures du prince de Toan, par la chaleur torride, sans escorte, sans véhicules convenables, sans gîtes préparés, sans serviteurs, sans vêtements de rechange. Sans doute ils ne perdront pas le souvenir de la guerre des rues, des Boxeurs et de la populace répandus partout, des portes de Péking franchies en écrasant les fuyards sous les roues des chars, des soldats débandés pillant, attaquant même les voitures impériales, du peuple affamé, en guenilles vu pour la première fois face à face. Si l’on peut dire, d’autre part, que dans les provinces du centre et du sud, le peuple a cru aux défaites des barbares et à la bienveillance impériale se refusant à les massacrer tous, cependant la commotion a été assez vive pour que tous les mandarins supérieurs et la plupart des autres aient été mêlés aux événements, soit directement, soit par leurs proches ; et grâce aux relations qu’ils entretiennent toujours avec leurs provinces d’origine, il n’est sans doute pas un coin de la Chine où n’ait pénétré quelque parcelle de la vérité. N’a-t-on pas vu la population du Seu-tchhoan exprimer tout haut ses craintes, quand il a été question pour la Cour de chercher un refuge jusque dans cet extrême occident ?

Déjà les rapports au Trône, les proclamations des mandarins, les