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Page:Courant - L'enseignement colonial et les cours de chinois à Lyon, 1901.pdf/11

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ENSEIGNEMENT COLONIAL ET COURS DE CHINOIS

qui le paie et l’emploie. Je ne parle pas de faux pas plus graves qui sont assez rares et que l’intérêt bien entendu déconseille au comprador. Les négociants étrangers ont tout avantage à ne pas être livrés pieds et poings liés à des indigènes, si honnêtes soient-ils, à pouvoir les surveiller, saisir une conversation, relire une lettre ou une facture, à entrer en rapports directs avec les mandarins pour les fournitures officielles, avec les marchands ou les producteurs des centres importants ou secondaires de l’intérieur : c’est dire que, sinon les chefs de maison, au moins quelques employés doivent connaître les Chinois, leurs usages et leur langue. L’intelligence de cette situation, l’énergie déployée à acquérir ces notions nécessaires malgré des circonstances rebutantes, ont fait la force et la fortune de quelques négociants allemands.

Donnerai-je encore quelques exemples des services que sera capable de rendre celui qui sera familier avec les idées et le langage des indigènes ? Dans les chemins de fer que l’on construit, dont on étudie le tracé, dans les mines que l’on ouvre, comment l’ingénieur dirigera-t-il son personnel indigène, s’il n’est capable de lui parler, si du moins il n’a près de lui un homme de confiance, un Européen qui puisse surveiller, parler, comprendre à sa place ? depuis un peu plus d’un an trois jeunes Français connaissant le chinois ont été pris comme interprètes pour la ligne Péking-Han-kheou, on en eût engagé davantage, si un plus grand nombre avaient été prêts ; bien d’autres lignes auront besoin d’ici à quelques années, d’interprètes européens. Rappellerai-je que l’organisation de la poste impériale est réservée à la France le jour où les Douanes maritimes s’en dessaisiraient ? ne demandera-t-on pas ce jour là un certain nombre d’agents français connaissant la langue ? et, quel que soit jusqu’à présent le rôle des Douanes maritimes en Chine, on peut penser que l’administration crée par Sir Robert Hart perdra une part de son influence, quand son chef disparaîtra peut-être même plus tôt. Dans un ordre d’idées bien différent, ne serait-il pas utile aux missionnaires catholiques qui sont en majorité français, qui sont soutenus par l’œuvre française de la Propagation de la Foi, ne leur serait-il pas utile d’étudier avant de partir et la langue, et les idées religieuses, et la coutume avec la loi du pays qu’ils vont évangéliser ? Et encore au point de vue de la science pure, ne faut-il pas développer l’étude de la langue chinoise, alors que la civilisation de la Chine nous offre des faits sociaux si curieux et que l’histoire chinoise jette un jour si nouveau sur le passé de l’Asie orientale et centrale, et sur les peuples dont les grandes invasions ont plusieurs fois bouleversé l’Europe ? Nous ne sommes plus dans ces jours là ; mais les conséquences économiques de la crise actuelle, les moyens qui devront être employés pour en empêcher le retour, préoccupent toutes les puissances. Il faudra prévoir, il faudra agir : c’est dire que, plus que jamais, on aura besoin d’hommes connaissant le pays, les mœurs, la langue, capables comme fonctionnaires, ingénieurs, négociants, de servir de trait d’union entre le monde de civilisation chrétienne et le monde de civilisation chinoise.

iii

Jusque vers la fin de l’an dernier, les études relatives à l’Extrême-Orient étaient en France l’apanage de trois établissements, le Collège de