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LA CORÉE ET LES PUISSANCES ÉTRANGÈRES.

20 août 1888) et s’engagea à renvoyer en Corée tout sujet coréen qui viendrait sur territoire russe sans passeport : l’exode des Coréens du Ham-kyeng préoccupait, en effet, et préoccupa encore plusieurs fois le gouvernement de Séoul. Il ne s’éleva d’ailleurs aucune difficulté entre les deux puissances. En 1891, le rôle du ministre russe était encore seulement d’observation M. Waeber, racontait-on à Séoul, cherchait à se faire bien venir du Roi en lui envoyant des gâteaux et des primeurs.

Au début de 1896, tandis que le Roi était prisonnier des conspirateurs et que le corps diplomatique délibérait, M. Waeber agissait secrètement par les intelligences qu’entretenaient dans le Palais ses Coréens de la Province Littorale. Le 11 février, le Roi et le prince héritier, cachés chacun dans une des chaises qui servent aux femmes du palais et que les mœurs coréennes ne permettent pas de fouiller, sortirent subrepticement et vinrent demander l’hospitalité à M. Waeber : pendant plus d’un an les décrets furent fabriqués par les ministres et signés par le Roi dans le salon du ministre russe, à côté de son cabinet de travail. Cependant, le peuple murmurant à la longue de voir son souverain dans la maison d’un étranger, la Cour se transporta (20 février 1897) dans le nouveau palais dont la construction s’achevait et qui est presque contigu aux légations de Russie, des États-Unis, de la Grande-Bretagne. Quelques mois plus tard (12 octobre) le Roi affirma son indépendance en changeant le nom du pays qui de Tjyo-syen devint Han et prenant le titre d’Empereur pour s’égaler à ses grands voisins de Chine, du Japon et de Russie.

Cette dernière puissance profita de l’heure qui s’était levée pour elle, avec la discrétion habituelle de sa diplomatie asiatique ; elle laissa le Roi à sa guise abolir les réformes, faire le procès des conspirateurs, combler d’honneurs ceux qu’ils avaient destitués ; elle se contenta d’offrir au nouvel Empereur ses services pour la réorganisation du pays ; ainsi fut créée une banque russo-coréenne (décembre 1897), furent appelés des instructeurs militaires (août 1897) et fut engagé (5 novembre) un conseiller financier, M. Kyril Alexiev, investi d’une autorité presque absolue dans son département. Ce protectorat déguisé promettait de donner bientôt à la Russie le port libre de glaces qu’elle n’a pas à Vladivostok. Déjà elle avait touché le but quand le commandant Byrilev était descendu à Tsou-sima (1861) ; peut-être avait-elle en vue une tentative analogue sur Port-Lazarev en 1885 ; mais la première fois les protestations de