Page:Courant - La Corée et les puissances étrangères, 1904.pdf/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
ANNALES DES SCIENCES POLITIQUES.

obtint du Roi un serment (7 janvier) instituant une sorte de constitution ; il fit écarter du Palais le Tai-ouen koun dont les intrigues étaient tour à tour dirigées contre les Chinois, contre les Japonais, contre tous les hommes et contre tous les partis. Mais bientôt il fut dégoûté, autant que par l’ignorance et l’esprit de coterie des Coréens, par l’attitude de ses propres compatriotes de Corée ; il s’en expliqua publiquement, citant de nombreux exemples de malhonnêteté commerciale, de violence contre les Coréens, d’indiscipline à l’égard des autorités. Le 1 septembre (1895), il remit la gestion au vicomte Mioura Gorô. Le 8 octobre, une troupe de Japonais dirigée par Okamoto Ryôno-souké, conseiller du gouvernement coréen, et soutenue par des troupes japonaises et par les Kounryentài (troupes coréennes ayant des instructeurs japonais) força les portes du Palais ; ils y firent entrer le Tai-ouen koun qu’ils escortaient, massacrèrent toutes les femmes du harem, de peur de laisser échapper la Reine, brûlèrent les corps arrosés de pétrole. Le vicomte Mioura fut rappelé ; une enquête judiciaire du tribunal siégeant à Hirosima reconnut la conspiration, la préméditation de meurtre, l’entente du ministre du Japon et de son secrétaire avec les meurtriers ; elle conclut : « Malgré ces faits, il n’y a pas d’évidence suffisante pour prouver qu’aucun des accusés a actuellement commis le crime prémédité ». Les accusés furent donc renvoyés indemnes.

Cependant le Roi, prisonnier des conspirateurs, tremblait pour sa vie, tandis que pleuvaient les décrets de réforme.

ii

Le vicomte Mioura avait ruiné l’influence de son pays ; alors apparaît un nouvel acteur qui s’était contenté jusque-là d’un rôle effacé. La Russie a au nord-est de la Corée une courte frontière commune depuis le traité de Péking (1860). Dès 1863 quelques familles passèrent le fleuve Touman, reçurent des terres, des grains, du bétail ; elles trouvaient sur territoire russe une administration régulière, bien différente de celle de leur pays ; en 1866, il y avait déjà dans la Province Littorale cent familles coréennes ; en 1895, trente-deux villages existaient, jouissant de l’autonomie communale. Après avoir traité avec la Corée comme les autres puissances européennes (1884), et avoir établi un ministre à Séoul, la Russie régla les rapports commerciaux sur la frontière de terre (convention du