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Page:Courant - La politique du Japon pendant la première année de la guerre européenne, 1916.pdf/17

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LA POLITIQUE DU JAPON AU DÉBUT DE LA GUERRE EUROPEENNE.

nant une possession aventurée, indéfendable, allait remettre bénévolement Kyao-tcheou à la Chine ? Quelques-uns le croyaient, montrant peu de clairvoyance ; beaucoup en eussent été désappointés ; ils savouraient d’avance autant le plaisir que le profit de chasser les Allemands du Chan-tong. Le comte Ôkouma préparait ses moyens financiers et militaires, négociait en Europe et en Amérique, s’efforçait de mettre les adversaires dans leur tort, ne se laissait pas émouvoir par les murmures de la rue.

Enfin l’ultimatum fut lancé ; il apparut comme un premier triomphe ; l’Empire allait donc rentrer dans sa carrière glorieuse. Orgueilleux de tout son passé et tenant en piètre estime ses voisins coréens et chinois, le peuple japonais a un sentiment très juste de l’œuvre merveilleuse accomplie dans la période Méi-dzi. Il y a cinquante ans, le Japon était enfermé dans trois de ses grandes îles, divisé à l’intérieur, sans influence, sans crédit au dehors ; les pays d’occident lui avaient imposé un tarif de douanes onéreux et la juridiction consulaire, puis avaient bombardé quelques-uns de ses ports et dans d’autres avaient installé une garde militaire pour leurs nationaux ; il fallait à la fois remettre l’autorité dans les mains de l’Empereur, accroître ce pouvoir en l’organisant d’après le modèle européen et en l’étendant sur les territoires voisins des trois îles, faire admettre l’Empire régénéré comme un égal par les Puissances qui par traité l’avaient dépouillé d’une part de ses droits souverains. D’abord furent incorporées à l’Empire des terres qu’une longue tradition lui rattachait, bien que d’un lien assez lâche, l’île peu peuplée de Ézo (ou Hokkai dô) en 1869 et l’archipel des Ryou-kyou (juillet 1874, avril 1879). La Corée, en vertu des légendes et de l’histoire, attirait puissamment les hommes de la Restauration ; une civilisation originale encore vivace, le ressentiment des luttes passées, les intérêts de deux puissants voisins, la Chine suzeraine antique, la Russie cherchant la mer libre, arrêtèrent longtemps de ce côté la course victorieuse du nouveau Japon ; annexée le 24 août 1910, la Corée trop différente est soumise à un régime spécial en qualité de colonie. Le sud de Sakhalin (Karahouto), Formose et le Kwan-tong sont aussi des colonies, dues à la conquête, requises pour des raisons économiques et militaires ; mais la vocation du Japon à ces terres a peu de racines dans le passé. Aux yeux de nombreux Japonais, les