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LA VIE POLITIQUE EN EXTRÊME-ORIENT (1902-1903).

à Londres le 30 janvier 1902 a été rendue publique quelque jours plus tard[1].

Il fallait au Japon une alliance européenne pour parer au retour de faits comme l’intervention russo-franco-allemande et pour lui permettre l’emprunt nécessaire à ses plans grandioses. L’alliance anglaise répond à cette double condition. D’autre part cette combinaison donne à l’Angleterre l’appui de la flotte et de l’armée japonaise, ce qui n’est pas méprisable. On avait pensé que le Siam pourrait être entraîné dans cette alliance ; la visite, qui a eu lieu au printemps dernier, du prince héritier de Siam a abouti à une commande de bateaux de guerre ; trois conseillers japonais ont été envoyés à Bangkok ; en décembre dernier a été formée une société siamo-japonaise : rien de plus n’a été déclaré.

Il semble que des pourparlers avaient eu lieu précédemment entre la Russie et le marquis Itô, alors voyageant en Europe ; cet homme d’état ne pouvant s’accommoder d’un côté fit affaire de l’autre. Malgré l’échec d’une combinaison russo-japonaise, le parti de l’entente avec la Russie subsiste, surtout parmi les hommes de réflexion et les économistes ; une société russo-japonaise fondée à Tôkyô en est l’organe actif et compte des hommes d’état éminents et de hauts dignitaires : le prince Konoé, les comtes Ôkouma, Inoouhé, Matsoukata. Ce parti a été jusqu’ici assez influent pour empêcher une rupture qu’il tient pour désastreuse, en montrant au gouvernement les conséquences financières et économiques d’une guerre difficile et longue, c’est-à-dire avant tout la chute du commerce et de l’industrie du Japon au profit des États-Unis et de l’Angleterre.

Jusqu’ici, l’alliance anglo-japonaise suivie de la déclaration franco-russe du 19 mars 1902 n’a pas été un facteur belliqueux[2] : les Anglais pourraient être entraînés dans une guerre d’Extrême-Orient mais ils n’auraient rien à y gagner ; si les Russes étaient expulsés de Mantchourie, les Japonais seuls en profiteraient ; l’Angleterre retient donc son allié. Il est assez curieux d’avoir vu se réaliser au printemps dernier l’évolution politique prédite à ce propos un an plus tôt par M. de Caix[3] : « L’Angleterre essaiera de modérer son allié. Dans le camp opposé, la France aura à jouer un rôle analogue. Peut-être vont-elles être amenées à causer en raison de leur situation identique : un résultat imprévu du traité du 30 janvier et de la déclaration du 19 mars pourrait être de rétablir entre la France et l’Angleterre ce contact qui manque depuis quelques aunées ».

  1. Voir le texte, Bulletin du Comité de l’Asie française, 1902, p. 51.
  2. Id., 1902, p. 100.
  3. Id., 1902. p. 101.