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le théâtre en chine

habitants des bourgades et des campagnes n’en sont pas privés : si les salles permanentes sont rares pour l’ensemble de l’Empire, — ce qui a permis à quelques étrangers de croire qu’il n’en existe pas, — de nombreuses troupes d’acteurs parcourent le pays et pénètrent avec leur répertoire jusque dans les localités les plus reculées ; les meilleures troupes des grandes villes ne dédaignent pas d’aller dans les villages, lorsqu’on les engage. Ces représentations sont souvent données pendant trois ou cinq jours de suite, à raison de deux séances par jour, l’une de deux à cinq heures, l’autre de sept à onze heures. L’éclairage, le transport des comédiens depuis leur lieu de résidence, la rétribution qui leur est due, forment une somme assez ronde, tantôt payée par quelques personnages riches qui veulent divertir leurs concitoyens, tantôt incombant à la commune, au même titre que les frais pour la destruction des sauterelles ou la réfection des levées de rizières.

Il y a aussi à faire élever un théâtre ; un entrepreneur s’en charge. En quelques heures, sur le grand chemin, souvent au carrefour en face de la bonzerie, on dresse une scène abritée : il n’y faut que des bambous, des planches et des nattes, le tout lié de cordes. On élève de la même façon deux ou trois tribunes pour les notables du village et pour ceux qui veulent payer leur place : le gros de la population, hommes, femmes, enfants, reste debout ou s’accroupit sur le sol. Pendant la durée des représentations, la vie du village est suspendue, les maisons sont vides, les champs déserts. Les fêtes finies, on coupe les cordes des fragiles abris dont on n’a plus besoin, l’entrepreneur remporte ses fournitures, et les acteurs s’en retournent chez eux. — Parfois on accommode, pour servir de scène ou de tribunes, les pavillons ouverts qui se trouvent dans certaines bonzeries, ainsi que les degrés des salles. Quelques grands temples ont, hors de l’enceinte, bien en face de la porte principale, un pavillon permanent qui sert aux représentations.

Ainsi la religion populaire fait bon ménage avec le théâtre, et le bouddhisme chinois, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, s’est sensiblement écarté de la rigueur des préceptes. D’une façon générale, le théâtre a, dans l’esprit du peuple, quelque chose de religieux : les corporations font jouer la