Page:Courant - Le Théâtre en Chine, 1900.pdf/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
336
la revue de paris

comédie à l’occasion de leur fête patronale ; les villages font vœu d’engager une troupe d’acteurs, pour remercier les dieux d’avoir chassé les sauterelles, détourné une inondation, accordé une bonne récolte ; dans une année favorable, un village aisé donne la comédie deux ou trois fois. Il y a double avantage à ces fêtes : le peuple s’amuse et les dieux sont satisfaits ; ceux-ci, en effet, sont à l’image des hommes, et l’on pense qu’ils prennent autant de plaisir que les mortels à voir les évolutions des acteurs. Aussi a-t-on soin, aux heures de représentation, d’entr’ouvrir les portes des salles où sont rangées les images des génies et des bouddhas ; c’est par suite de la même idée anthropomorphique qu’on leur offre du riz, des fruits, des parfums. Même dans les théâtres permanents, un esprit réside habituellement au fond de la scène, dans une loggia où est son image et, à certains jours solennels, les comédiens, soit en leur nom, soit au nom de tout le peuple, font des offrandes de mets et d’encens. En raison du caractère semi-idolâtrique des représentations scéniques, les chrétiens chinois s’abstiennent presque toujours d’y assister et, dans les communes rurales, ils refusent de contribuer aux dépenses que l’on fait de ce chef : de là naissent bien des querelles et des difficultés.

iii

Pour être appelés à amuser les dieux et admis à frayer avec les mandarins et les gens riches, les acteurs ne forment pas moins l’une des dernières classes de la société chinoise. La plupart sont esclaves d’un « maître de troupe » : en effet, les mêmes contrats de vente et de vente à réméré qui ont pour objet habituel les biens-fonds et les animaux domestiques, s’appliquent aussi à l’homme : souvent un chef de famille, poussé par la misère, vend un enfant ; plus souvent, ces contrats sont conclus par des voleurs d’enfants. Tantôt la vente est définitive, tantôt elle est faite avec faculté de rachat à l’expiration d’un délai qui est habituellement de cinq ans ; parfois on stipule que le prix d’achat sera compensé par les services de l’esclave et que celui-ci sera libre de plein droit à