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PRÉFACE.



Discurrere per negotiorum celsitudines,
non humilium minutias indagare
causarum.
Amm. Marcell. xxvi 1

Dans la plupart des grandes histoires que l’on écrit ou qu’on récrit de nos jours, au récit détaillé des événements politiques et militaires que l’on continue de regarder comme le fond de l’histoire, il est d’usage de joindre, par forme de complément ou d’appendice, une esquisse des progrès de l’esprit humain dans les sciences, les arts, l’industrie, durant la même période de temps. Pourquoi ne pas suivre quelquefois une marche inverse, en prenant pour le fond de son sujet le travail de l’esprit humain, et pour accessoire ou appendice, comme dans un éloge académique, ce qui n’est en quelque sorte que de la biographie sur une plus grande échelle, la biographie d’un peuple ou celle du genre humain ? On ne manque pas non plus d’exemples qui déjà autorisent ce renversement d’ordre, et l’on peut dire qu’il est prescrit, dès que l’on s’élève de la considération des choses qui passent à celle de leur raison immuable. Si l’homme n’est qu’une bien petite partie du grand tout, et si à ce point de vue spéculatif la con-