Page:Cournot - Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, tome 1, 1872.djvu/17

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jours. Nous sommes d’autant plus flatté de ce jugement, que nous n’adoptons pas sans réserves les opinions des hommes distingués qui n’ont pas craint d’engager à ce point leur responsabilité. Convenons donc de bonne grâce qu’au bonheur d’obtenir quelques suffrages d’élite, nous joignons le malheur d’avoir été peu lu. Pour qui a passé sa vie à se rendre compte de la théorie du jugement inductif, l’induction est trop claire. Aussi, après avoir écrit ces dernières réflexions sans nous hâter, pas même lentement, n’éprouvons-nous nul empressement à les mettre en circulation, disposé plutôt à prendre à la lettre le conseil du poète : nonumque prematur in annum.

Paris, janvier 1868.

P. S. Nous laissons subsister cette date qui est vraiment celle du livre et qui en éclaircirait au besoin quelques passages, si nos Centuries, comme celles de Nostradamus, devaient jamais trouver des commentateurs. Depuis le mois de janvier 1868, l’auteur a eu comme tant d’autres sa part des malheurs publics, sans compter les afflictions domestiques ; et quand il est rentré à Paris après une longue absence, le cœur plein du souvenir de l’hospitalité suisse, il lui a pris envie de relire son manuscrit, échappé aux obus et au pétrole qui en ont détruit de plus précieux. Il s’attendait à le trouver bien arriéré, et pourtant cette lecture ne lui a fait sentir la nécessité d’aucun changement notable, sauf des retranchements jugés nécessaires, pour ne point grossir par trop deux volumes que peut-être le lecteur trouvera encore trop gros. Puisse-t-il nous absoudre de ce dernier péché et nous permettre, malgré la dureté des temps, d’inscrire au terme de notre carrière d’auteur, ce que mettaient les typographes du quinzième siècle au bout de leurs éditions, explicit feliciter

Paris, mars 1872.