Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/129

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angles visuels, déformerait tous les contours, altérerait tous les rapports de grandeur et de situation ; mais cet homme ne démêlerait aucune des lois qui régissent le monde matériel ; il ne trouverait que confusion et désordre dans les phénomènes qui nous frappent par leur simplicité et leur harmonie ; à moins qu’à l’aide d’autres sens, ou même par la discussion raisonnée d’expériences faites avec la vue dans des circonstances convenables, il ne vînt à bout de démêler dans ses perceptions ce qui provient de la configuration de l’appareil ou de l’organe par l’intermédiaire duquel les rayons visuels lui parviennent. Cette hypothèse n’est pas un pur jeu d’imagination : nous observons effectivement les astres à travers un milieu (l’atmosphère terrestre) qui dévie inégalement les rayons de lumière selon les distances des astres au zénith, de manière à changer les distances zénithales, à altérer les distances apparentes des astres entre eux, et à troubler les configurations des groupes dans lesquels nous les rangeons. En vertu de cette cause perturbatrice qu’on nomme la réfraction astronomique, les phénomènes du mouvement diurne perdent en apparence leur harmonieuse simplicité. Les étoiles ne décrivent plus, d’un mouvement uniforme, des cercles parfaits autour de l’axe du monde. Mais, lors même que nous ne pourrions pas, avec nos connaissances sur la constitution de l’atmosphère et sur le mode de propagation de la lumière, assigner la cause physique de cette illusion, et calculer les effets de la réfraction astronomique, nous n’hésiterions point à reconnaître que les irrégularités du mouvement diurne des étoiles sont purement apparentes et dues à des illusions d’optique, dont le milieu où nous sommes plongés est la véritable cause. Il nous suffirait, pour en être convaincus, de remarquer que ces irrégularités sont plus ou moins sensibles selon l’état de l’atmosphère ; qu’elles donnent lieu à des écarts d’autant plus grands que l’astre se penche davantage sur notre horizon : de sorte que, au moment même où elles acquièrent pour nous la plus grande amplitude, elles diminuent ou disparaissent pour un observateur éloigné. Enfin, lors même que cette dernière expérience décisive ne pourrait pas se faire, quand même il nous serait impossible de comparer des observations de la même étoile faites simultanément dans des lieux très-distants l’un de