Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/130

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l’autre, il nous suffirait de remarquer que notre horizon n’a qu’une relation accidentelle avec l’axe du mouvement diurne ; que la direction de notre horizon tient au lieu que nous occupons à la surface de la terre, circonstance qui n’a rien à faire avec le mouvement des astres ; cela suffirait, disons-nous, pour nous faire conclure, avec cette haute probabilité qui entraîne l’acquiescement de la raison, que des irrégularités dont l’amplitude dépend de la hauteur des astres sur l’horizon tiennent à nous et non aux astres, ne sont qu’apparentes et n’affectent point les mouvements réels.

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Une cause d’illusions optiques, comparable à celle qui réside dans la couche atmosphérique où nous sommes plongés, et dont l’astronome sait si bien démêler la nature et mesurer les effets, pourrait (comme Bacon le soupçonne en passant) se trouver dans la constitution même de l’œil humain, dans la structure des milieux et des appareils divers qui concourent à le former ; enfin, ce qu’il serait difficile sinon impossible de vérifier directement, dans le mode même de sensibilité de la rétine et des tissus nerveux qui la mettent en communication avec le centre cérébral. Si cette atmosphère interne (qu’on nous passe l’expression) existait effectivement, si nous avions seulement quelques motifs d’en soupçonner l’existence, il faudrait douter aussi de la légitimité des lois du mouvement diurne, y supposer une complication des lois qui régissent effectivement le phénomène, avec les lois d’après lesquelles la vision s’opère en nous. Tout l’édifice des sciences astronomiques, qui repose sur les lois du mouvement diurne, serait ébranlé dans sa base. Mais c’est là une pensée qui ne vient à personne, et qui surtout ne viendra jamais à un astronome. La belle simplicité des lois observées nous garantit assez l’absence de toute cause interne qui les compliquerait à notre insu. Il répugne à la raison d’admettre qu’un vice de conformation de l’œil humain, bien loin de troubler l’ordre et la régularité des phénomènes extérieurs, y introduisît l’ordre, la régularité, la simplicité qui ne s’y trouveraient pas, ou qui ne s’y trouveraient que dans un moindre degré de perfection. Aussi avons-nous la ferme conviction que l’observation ne