Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/154

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précise de la température des milieux avec lesquels on les met en contact, ne marchent point dans un parfait accord, et de prime abord on ne saura quel est celui dont les indications doivent être préférées. Si pourtant l’on remarque que tous ces thermomètres concordent sensiblement tant que les liquides avec lesquels ils sont formés sont tous fort éloignés des températures où ils se congèlent et de celles où ils entrent en ébullition, et que les écarts, pour chaque thermomètre en particulier, sont d’autant plus grands que la température du liquide qu’il renferme approche plus de l’un que de l’autre de ces points extrêmes, on comprendra que les écarts sont dus à des causes perturbatrices qui tiennent à la constitution spécifique de chaque liquide, et qui cessent d’avoir une action sensible pour la portion intermédiaire où l’on voit tous les thermomètres concorder sensiblement. Lorsque ensuite on imaginera de remplacer les liquides par des gaz, c’est-à-dire par des fluides où nous avons de grands motifs de croire que la constitution moléculaire est arrivée à un plus haut degré de simplicité et de régularité que dans les liquides, et quand on verra ces thermomètres à gaz être d’accord entre eux à toutes les températures, ainsi qu’avec les thermomètres à liquides, dans la portion de leur échelle où les causes perturbatrices tenant à leur constitution spécifique n’ont plus d’action sensible, on aura la conviction que le thermomètre à gaz est bien l’instrument régulateur qui doit servir à contrôler les autres et à fixer absolument les degrés de l’échelle des températures. C’est un jugement de probabilité tout à fait analogue à celui par lequel nous prononçons sur les mouvements relatifs et absolus d’un système de corps (5), et les motifs de choisir entre les témoignages de divers sens artificiels sont exactement de même nature que les motifs de choisir entre les indications des sens et des facultés diverses dont la nature nous a doués (85). Passons à la mesure des quantités de chaleur qu’un corps dégage ou absorbe en changeant d’état physique, en s’unissant chimiquement à d’autres corps, en variant de température, etc. Ces quantités ne sont ni tangibles ni pondérables : elles échappent aux procédés ordinaires de mesure à l’aide des sens de la vue et du tact, et il faut qu’une conception de la raison supplée au défaut des sens. Si deux quantités de chaleur