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Les philosophes scolastiques et même, depuis les découvertes faites dans le champ de la physique expérimentale, les métaphysiciens modernes ont beaucoup insisté sur la distinction entre les qualités premières des corps et leurs qualités secondes ; entendant par qualités premières l’étendue, l’impénétrabilité, la mobilité, l’inertie, et par qualités secondes celles qui produisent sur nos sens les impressions de saveurs, d’odeurs, de couleurs, de chaud, de froid, etc. Nous nous proposons de soumettre à une critique nouvelle et plus exacte cette classification consacrée par un si long usage ; et d’abord nous remarquerons que, si l’on entendait par qualités premières celles dont nous ne pouvons nullement rendre raison à l’aide d’autres propriétés, et qui en ce sens constituent pour nous autant de faits primitifs ou irréductibles, il n’y aurait rien qui dût figurer parmi les qualités premières des corps à plus juste titre que ce que les philosophes ont coutume de désigner sous le nom de qualités secondes. En effet, nous avons déjà reconnu que les sensations de saveurs, d’odeurs, etc., sont autant de modifications de notre sensibilité, qui n’ont aucune valeur représentative ; qui par elles-mêmes ne sauraient nous donner la notion des corps et de l’existence du monde extérieur, et qui n’impliquent aucune connaissance des raisons pour lesquelles elles se trouvent déterminées à être de telle espèce plutôt que de telle autre. En conséquence, la propriété qu’ont les corps de produire en nous de telles sensations