Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son fondement dans l’essence des corps ; quoique nous soyons condamnés à ignorer toujours en quoi cette essence consiste, et quoique ces corpuscules étendus et figurés, qu’il nous plaît d’imaginer, ou plutôt que nous éprouvons le besoin d’imaginer pour servir de substratum aux phénomènes matériels et aux forces qui les produisent, ne soient qu’une pure hypothèse, contredite même par toutes les indications de la raison (116). Lorsque nous étendons par analogie cette idée de substance ou de substratum matériel aux agents qu’on appelle impondérables, l’expérience nous fait jusqu’à présent défaut. Nous observons des phénomènes, nous en démêlons les lois, et rien ne nous assure qu’une systématisation de ces phénomènes et de leurs lois, dans laquelle se trouverait impliquée l’idée de substance, soit autre chose qu’une systématisation artificielle. L’expérience aurait pu nous laisser toujours, à l’égard des corps pondérables, dans l’ignorance où elle nous laisse quant à présent en ce qui concerne les agents impondérables. À vrai dire, nous ignorions, pour les uns comme pour les autres, le vrai fondement de l’idée de substance, tant que la physique est restée dans les langes, et que nous n’avions aucun moyen de constater qu’il ne se fait (nonobstant quelques apparences grossières et trompeuses) aucune déperdition réelle de substance, c’est-à-dire de masse et de poids, dans les transformations innombrables que la matière subit sous nos yeux. Ceci n’empêchait pas d’observer la suite et l’enchaînement des phénomènes à l’égard des corps pondérables, comme nous le faisons encore pour les phénomènes attribués aux agents impondérables, et l’on a eu grand tort de dire qu’ôtée l’idée de substance, le spectacle de la nature n’est plus qu’une fantasmagorie ; car, à ce compte, les parties de la physique où l’on traite de la lumière, de l’électricité, de la chaleur, n’offriraient encore à l’esprit rien de lié, rien de réel, et devraient passer pour des fantasmagories savantes ; tandis que la fantasmagorie (fantas…a) ne se trouve au contraire que dans cette