Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/231

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originairement à l’animal une perception de l’espace, assortie aux fonctions qu’il doit remplir. L’animal a de l’espace une perception plus ou moins obscure et imparfaite, mais non pas fausse : sa perception étant, dans une mesure convenable, conforme à la réalité extérieure, et de plus accommodée à la nature des actes qu’il doit effectivement accomplir dans l’espace, d’après sa perception.

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La mesure de l’étendue ou des grandeurs géométriques s’opère par superposition, c’est-à-dire par le procédé de mesure le plus direct, le plus sensible, et en quelque sorte le plus grossier. La mesure de la durée est indirecte et repose essentiellement sur un principe rationnel. Nous jugeons que le même phénomène doit se produire dans le même temps, lorsque toutes les circonstances restent les mêmes à chaque reproduction du phénomène (48) : de sorte que, si la nature reproduit ou si nous pouvons reproduire artificiellement le même phénomène dans des circonstances parfaitement semblables, nous nous croirons avec raison en possession d’un étalon du temps ou d’une unité chronométrique, et nous nous en servirons pour mesurer la durée de tous les autres phénomènes. C’est ainsi que l’on pourra mesurer le temps ou la durée avec une clepsydre, en prenant pour unité de durée le temps que met à s’écouler le liquide ou la poussière fine dont on a rempli la clepsydre, et en se fondant sur le principe, certain a priori, que la durée de l’écoulement doit être la même, quand il n’y a de changement ni dans la masse liquide, ni dans le vase, ni dans l’orifice, ni dans les autres circonstances physiques du phénomène : quoique d’ailleurs nous ne connaissions d’une manière pleinement satisfaisante, ni par la théorie, ni même par l’expérience, les lois qui règlent la durée et les phases de l’écoulement. Le phénomène dont on prend la durée pour étalon du temps est ordinairement un mouvement périodique et autant que possible uniforme, afin que les parties aliquotes de la période correspondent à des portions égales de la durée : mais c’est un tort de regarder (ainsi qu’on le fait souvent) le phénomène du mouvement comme la condition essentielle de la mesure du temps. L’unité de temps pourrait être le temps que met un corps (de matière, de forme et de dimensions bien définies) à passer de telle température à telle autre, dans un milieu dont la température et toutes les conditions