Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/244

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toutes les propriétés particulières par lesquelles les objets extérieurs nous deviennent sensibles : et les sciences qui ont pour objet de telles idées, qui embrassent le système de telles lois et de tels rapports, ne doivent point passer pour des sciences de création artificielle, conventionnelle et arbitraire. Pour prendre un exemple propre à faire sentir la distinction que nous voulons établir, considérons un corps solide, en mouvement dans l’espace. On peut prendre à volonté un point de la masse et considérer le mouvement du corps comme le résultat de la combinaison de deux autres mouvements ; l’un par lequel tous les points de la masse se mouvraient d’un mouvement commun, le même que celui du point en question ; l’autre par lequel le corps solide tournerait d’une certaine manière autour de ce même point auquel on attribuerait alors une fixité idéale. La décomposition du mouvement réel du corps en ces deux mouvements fictifs, l’un de translation, commun à tous les points de la masse, l’autre de rotation, relatif à l’un des points de cette masse, s’effectuera d’une infinité de manières différentes, suivant qu’on aura choisi arbitrairement tel ou tel point de la masse pour centre du mouvement relatif. Cette décomposition idéale du mouvement réel du corps en deux autres pourra encore donner lieu à des décompositions ultérieures qui seront ou qui pourront être, comme la décomposition primitive, accommodées à notre manière de concevoir le phénomène, qui fourniront des images propres à en faciliter la description et l’étude, mais qui, en général, seront arbitraires et non fondées sur la nature même du phénomène. Supposons maintenant qu’il s’agisse du mouvement d’un corps solide, soumis à la seule force de la pesanteur, et n’éprouvant pas de résistance de la part du milieu dans lequel il se meut : il y a pour ce corps un point connu sous la dénomination de centre de gravité, et qui jouit de cette propriété, que, si on le prend pour centre du mouvement de rotation imaginé tout à l’heure, les deux mouvements de translation et de rotation, devenus indépendants l’un de l’autre, s’accomplissent chacun séparément comme si l’autre n’existait pas. En conséquence, l’abstraction qui distingue ou qui isole ces deux mouvements cesse alors d’être une abstraction artificielle ou purement logique : elle a son fondement, sa raison dans la nature