Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/266

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moi… est essentiellement distinct de chacun de ses actes, même de chacune de ses facultés, quoiqu’il n’en soit pas séparé. Le genre humain soutient le même rapport avec les individus qui le composent ; ils ne le constituent pas, c’est lui, au contraire, qui les constitue. L’humanité est essentiellement tout entière et en même temps dans chacun de nous… l’humanité n’existe que dans les individus et par les individus, mais en retour les individus n’existent, ne se ressemblent et ne forment un genre que par le lien de l’humanité, que par l’unité de l’humanité qui est en chacun d’eux. Voici donc la réponse que nous ferions au problème de Porphyre : pÒteron cwrist¦ (gšnh) ¿ ™n to‹s a„sqhto‹j. Distincts, oui ; séparés, non ; séparables, peut-être ; mais alors nous sortons des limites de ce monde et de la réalité actuelle. »

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Or, si le genre humain soutient avec les individus qui le composent le même rapport que le moi soutient avec chacune de ses facultés ou avec chacun de ses actes ; en d’autres termes, si nous attribuons à l’humanité ou au genre humain la réalité substantielle que nous attribuons au moi ou à la personne humaine ; et si cette réalité substantielle qui constitue le genre se retrouve à la fois dans tous les individus du genre, distincte quoique inséparable d’un élément particulier, en vérité il y a là-dessous un mystère aussi impénétrable à la raison humaine que peuvent l’être les plus profonds mystères de la théologie. L’obscurité devient plus profonde encore, si l’on fait attention qu’apparemment la réalité substantielle n’appartient pas à cet élément particulier, puisqu’on le compare aux facultés ou aux actes du moi ; tandis qu’il doit avoir la réalité substantielle au même titre que l’élément général, s’il doit se retrouver à ce titre dans des sous-genres ou espèces hiérarchiquement inférieures. Mais les contradictions disparaissent et le voile mystérieux se déchire, sans qu’il faille sortir des limites de ce monde et des conditions de la science humaine, si, au lieu d’une hiérarchie de substances et d’essences, on ne voit dans nos termes génériques que l’expression d’une subordination de causes et de phénomènes. Selon que la