Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/267

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subordination est plus ou moins marquée, le genre est plus ou moins naturel : il cesse de l’être, lorsque les ressemblances d’après lesquelles nous l’établissons, quoique très-réelles, peuvent s’expliquer par le hasard, c’est-à-dire par le concours de causes qui ne seraient point enchaînées et subordonnées les unes aux autres. Ainsi, pour toute espèce organique, et pour l’espèce humaine en particulier, il y a une subordination évidente, des causes qui déterminent les variétés individuelles aux causes qui déterminent les caractères généraux et spécifiques, héréditairement transmissibles, et une subordination non moins manifeste, des conditions d’existence de l’individu, aux conditions d’existence et de perpétuité de l’espèce. L’espèce humaine, pour parler le langage des naturalistes, ou le genre humain, pour employer une expression plus familière aux philosophes et aux moralistes, constitue donc un genre naturel ; ou, en d’autres termes, il existe une nature humaine, et ces mots ne sont pas de vains sons, ni ne représentent une pure conception de l’esprit. De même la classe des oiseaux, la classe plus générale encore des vertébrés sont naturelles : car, par suite des connaissances que nous avons acquises en zoologie, on est amené à considérer les caractères de ces classes comme des caractères dominants dont l’ensemble compose une sorte de type ou de schème en conformité duquel la nature a procédé ultérieurement et secondairement (par des voies qui jusqu’ici nous sont restées inconnues) à l’opération de diversifier les genres et les espèces, dans des limites fixées par les conditions dominantes. En conséquence, les causes, quelles qu’elles soient, auxquelles il faut imputer la détermination des caractères dominants et constitutifs de la classe, doivent être réputées des causes principales et dominantes, par rapport aux causes, pareillement inconnues ou trop imparfaitement connues, qui ont amené la diversité des espèces.

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Il ne faut pas croire que les scolastiques aient absolument ignoré la distinction des genres naturels et des genres artificiels ; ils ont au contraire plus d’une fois indiqué qu’ils n’entendaient appliquer leurs théories des degrés métaphysiques « qu’aux choses qui, ayant une substance naturelle, procèdent de l’opération divine : ainsi, aux animaux,