Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/302

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de l’éther sont des grandeurs mesurables et continues, on voit une raison suffisante pour que le passage de la sensation d’un ton à celle d’un autre ton, de la sensation d’une couleur à celle d’une autre couleur, se fasse avec continuité ; mais il n’y a pas pour cela entre les diverses sensations de tons et de couleurs des rapports numériques assignables, comme il y en a entre les vitesses de vibration qui leur correspondent. La sensation du son sol n’équivaut pas à une fois et demie la sensation du son ut, parce que la vitesse de vibration qui produit le sol vaut une fois et demie la vitesse de vibration qui donne l’ut. La sensation de l’orangé n’est pas les cinq septièmes, ni toute autre fraction de la sensation du violet, parce que la vitesse de vibration de l’éther serait, pour le rayon orangé, à peu près les cinq septièmes de ce qu’elle est pour le rayon violet. La continuité dans la variation d’intensité d’une force d’attention ou d’un appétit sensuel s’expliquera bien par la continuité dans la variation de certaines grandeurs physiques et mesurables, telles que la vitesse et l’abondance du sang, la charge électrique ou la température de certains organes, lesquelles ont ou peuvent avoir une influence immédiate sur d’autres forces vitales ; mais il n’en faut pas conclure que l’attribut de grandeur mesurable appartienne à ces mêmes forces vitales, ni aux phénomènes qu’elles déterminent.

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De même que la continuité de certaines grandeurs purement physiques suffit pour soumettre à la loi de continuité des forces, des affections, des phénomènes de la vie organique et animale qui ne sont plus des grandeurs mesurables ; de même on conçoit que ces forces ou ces phénomènes, susceptibles de continuité, mais non de mesure, peuvent introduire la continuité dans les variations que comportent des forces ou des phénomènes d’un ordre supérieur, qui dépouillent bien plus manifestement encore le caractère de grandeur mesurable. Si, chez l’homme en particulier, les phénomènes de la vie intellectuelle et morale s’entaient sur ceux de la vie animale ou les supposaient, comme les phénomènes de la vie animale s’entent sur les phénomènes généraux de l’ordre physique ou les supposent, la continuité des formes fondamentales de