462 CHAPITRE XX. d’en transmettre le souvenir à la postérité, serait une histoire tout comme une autre, qui aurait ses crises et ses dénoue- ments : car non seulement les coups se succèdent, mais ils s’enchaînent, en ce sens que chaque coup influe plus ou moins sur la série des coups suivants et subit l’influence des coups antérieurs. Que les conditions du jeu se compliquent encore, et l’histoire d’une partie du jeu deviendra philosophiquement comparable à celle d’une bataille ou d’une campagne, à l’im- portance près des résultats. Peut-être même pourrait-on dire sans boutade qu’il y a eu bien des batailles et bien des cam- pagnes dont l’histoire ne mérite guère plus aujourd’hui d’être retenue que celle d’une partie d’échecs. 314. — La liaison historique consiste donc dans une in- fluence exercée par chaque événement sur les événements postérieurs, influence qui peut s’étendre plus ou moins loin, mais qui doit au moins se faire sentir dans le voisinage de l’é- vénement que l’on considère, et qui, en général, est d’autant plus grande qu’elle agit plus immédiatement sur des événe- ments plus rapprochés. Le propre d’une telle liaison est d’intro- duire une certaine continuité dans la succession des faits, comme celle dont le tracé d’une courbe, dans la représentation graphique de certains phénomènes, nous donnerait l’image (46), ou bien encore comme celle que nous figure la tracé du cours d’un fleuve sur une carte géographique. Cela suffit pour que, malgré le désordre et l’enchevêtrement des causes fortuites et secondaires dans les accidents de détail, nous puissions, en l’absence de toute théorie, saisir une allure générale des évé- nements, distinguer des périodes d’accroissement et de décrois- sement, de progrès, de station et de décadence, des époques de formation et de dissolution, pour les nations et pour les insti- tutions sociales, comme pour les êtres à qui la nature a donné une vie propre et individuelle. La tâche de l’historien qui aspire à s’élever au-dessus du rôle de simple annaliste consiste à mettre dans un jour convenable, à marquer sans indécision comme sans exagération ces traits dominants et caractéristi- ques, sans se méprendre sur le rôle des causes secondaires, lors même que des circonstances fortuites leur impriment un air de grandeur et un éclat en présence duquel semble s’effacer l’action plus lente ou plus cachée des causes princi- pales. Il faut ensuite, et ceci est bien autrement difficile, que
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