Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/71

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et secondaires, plutôt que de renoncer à l’idée qu’une cause régulière dirige le mouvement du mobile. Au lieu de tomber sur une circonférence de cercle, les points observés pourraient être situés sur une ellipse, sur une parabole, sur une infinité de courbes diverses, susceptibles d’être mathématiquement définies : et même la théorie nous enseigne qu’on peut toujours faire passer par les points observés, quel qu’en soit le nombre, une infinité de courbes susceptibles d’une définition mathématique, quoique la ligne effectivement décrite par le mobile ne soit ni l’une ni l’autre de ces courbes, et ne se trouve assujettie, dans son tracé, à aucune loi régulière. La probabilité que les points sont disséminés sur le plan d’après des influences régulières dépendra donc de la simplicité qu’on attribuera à la courbe par laquelle on peut les relier, soit exactement, soit en tolérant certains écarts. Or, les géomètres savent bien que toute classification des lignes, d’après leur simplicité, est plus ou moins artificielle et arbitraire. Une parabole peut être réputée, à certains égards, une courbe plus simple qu’un cercle, et, d’autre part, la définition ordinaire du cercle semble plus simple que celle de la parabole. Il n’est donc pas possible, pour les raisons déjà indiquées, que cette probabilité comporte une évaluation numérique comme celle qui résulte de la distinction des chances favorables ou contraires à la production d’un événement. Ainsi, lorsque Kepler eut trouvé qu’on pouvait représenter le mouvement des planètes, en admettant qu’elles décrivent des ellipses dont le Soleil occupe un des foyers, et qu’il eut proposé de substituer cette conception géométrique aux combinaisons de mouvements circulaires par excentriques et épicycles, dont les astronomes avaient fait usage jusqu’à lui (guidés qu’ils étaient par l’idée d’une certaine perfection attachée au cercle, et qui devait correspondre à la perfection des choses célestes), sa nouvelle hypothèse ne reposait elle-même que sur l’idée de la perfection ou de la simplicité de l’ellipse, d’où naissent tant de propriétés remarquables qui avaient dû attirer l’attention et exercer la sagacité des géomètres immédiatement après les propriétés du cercle. En effet, le tracé elliptique ne pouvait relier l’ensemble des observations astronomiques que d’une manière approchée, tant à cause des