Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/134

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un regard de reproche à attendrir le marbre des étals :

— Vous êtes impitoyable, mais vous verrez si je…

— Allez-vous-en ! repartit la jeune fille, et ne remettez jamais les pieds ici, savez-vous !

Mais il ne bougeait pas, cherchant une phrase de congé.

Cependant, le borgne s’était redressé sur son gourdin et regardait l’artiste avec une insolente fixité :

— Eh bien, Monsieur, dit-il d’une voix impérieuse, qu’est-ce que vous attendez pour obéir à l’injonction de Mademoiselle ? Faut-il que je m’en mêle ?

Stupéfait, le fils Lavaert dévisageait cet étrange individu dont la façon de s’exprimer contrastait avec sa minable apparence. Pourtant, il eut un haut-le-corps de révolte et, d’un ton d’acteur, dans une pose à la Corneille :

— Ah ça, mon ami, à qui donc croyez-vous parler ?

L’homme fit un pas et dardant sur lui son œil acéré :

— À un lâche ! dit-il tranquillement.

— Monsieur !

— Oh ! tout le monde vous connaît fort bien reprit le vagabond. Vous êtes le fils du pâtissier d’en face. Vous êtes un pleutre et de vingt-deux ans encore ! Après cela, ce n’est peut-être pas votre faute. Vous n’avez apparemment dans les veines que le sirop de grenadine que fabrique Monsieur votre père !