Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/218

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longue rêverie. Aussi bien, elle ressentait à son égard une vive curiosité à laquelle se mêlait maintenant un espoir sourd de quelque chose d’inattendu qui associerait ce noble vieillard à sa vie.

Quelle que fût la réserve qu’elle imposât à ses sentiments nouveaux, Camille n’avait pu les cacher à la fille de Théodore qu’elle voyait tous les jours à la cantine.

Or, loin de la mettre en garde contre des illusions romanesques, la jeune fille semblait presque y encourager son amie. D’ailleurs Martha paraissait elle-même toute transformée depuis quelque temps. Son visage, d’une gravité aimable, s’animait à présent de vraie gaîté. Il y avait plus d’éclat dans ses yeux, plus de vivacité expansive dans ses paroles. Les bonnes nouvelles qu’elle recevait de son frère et de son fiancé étaient peut-être l’explication la plus naturelle de cette métamorphose. N’empêche que Camille restait souvent surprise de cette fixité joyeuse, avec laquelle la jeune fille la regardait à certain moment, ce qui la faisait parfois sourire non sans quelque embarras :

— Eh bien ! Chère, qu’y a-t-il ? Pourquoi me regardez-vous ainsi ?

— Mais pour rien ! répondait évasivement Martha en l’embrassant de tout son cœur.

Et, comme dans la crainte d’être pressée d’une réponse moins inconsistante, elle s’enfuyait après un gentil « good bye… ».