Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/219

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Un matin que Camille amusait Péro, en convalescence de la rougeole, Martha apparut dans la chambre et déposa devant le petit garçon un gros album d’images représentant toutes les bêtes de l’Arche superbement dessinées et coloriées. Ravi de sa présence, l’enfant embrassa la jeune fille et se mit à feuilleter le beau livre en poussant des exclamations de joie.

— Mais, Chère, fit la jeune femme avec reproche, quelle folie !

— Oh ! je n’y suis pour rien, repartit Martha ; c’est un cadeau de notre Clairette qui attend son petit ami aux « Peupliers… ». Et puis, il est juste que ce beau livre retourne à Péro…

— Et pourquoi donc ? fit Camille étonnée.

— Vous ne devinez pas ? Mais parce que celui qui l’a donné à Clairette, c’est Monsieur Prosper !

Et, avec une exaltation singulière, elle se mit à conter, une fois de plus, la grande affection et les gentillesses de toute sorte dont le jeune quincaillier avait entouré l’enfance maladive de la fillette. Elle ne tarissait pas, heureuse de s’épancher, quand elle s’interrompit devant l’air de tristesse qui avait soudain assombri le visage de son amie. La jeune femme n’était pas habituée à ce qu’on évoquât si brusquement en sa présence le souvenir de Prosper et surtout qu’on le fît sur un tel ton de gaîté. C’était un oubli, un manque de tact qui la surprenait chez Martha et l’affligeait profondément.

Mais la jeune fille s’était jetée dans ses bras :

— Oh, pardon, chère, pardon ! C’est vrai, tou-