Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/234

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au gré des lents courants qui la sillonnaient, il arriva devant les Chambres dont le péristyle, le grand escalier et les entre-colonnes du premier étage étaient occupés par une multitude de soldats, lesquels écoutaient la harangue qu’éructait, d’un accent guttural, mais d’une voix étonnement puissante, un jeune autant que robuste sous-officier debout au milieu du balcon et gesticulant comme un automate.

Chacune des périodes du tribun improvisé provoquait des rumeurs d’approbation, des applaudissements, des levées de calots, des hochs qui, à certains moments, devenaient frénétiques. Il parlait depuis longtemps sans que son auditoire ni lui-même parussent le moins du monde fatigués.

Quoique Lust ne comprît rien à cette langue croassante, dont les sons ne sortent du gosier qu’au prix d’un effort laborieux et plein d’à coups, il regardait de toute son attention écarquillée et frémissante cette soldatesque imprécatoire, révoltée.

Et sa surprise redoubla en voyant circuler, au milieu de cette tourbe crasseuse et nauséabonde, quelques élégants officiers qui essayaient encore d’imposer par une attitude de sarcasme et de mépris. Mais cette nargue hautaine intimidait moins les soldats qu’elle ne les excitait à la châtier sur-le-champ. Aussi, comme l’orateur venait d’achever sa péroraison au milieu d’acclamations et de hochs formidables, les insolents feldgraus, et les capitaines et les majors aux moustaches en crocs se virent soudainement cernés