Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/41

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— Non, mais on nous a apporté une lettre de lui ce matin… Il y a eu une grande bataille… Monsieur Prosper…

Elle s’affaissa sur la chaise et posa les mains sur sa poitrine oppressée tandis que le jeune homme pâlissait à son tour :

— Monsieur Prosper, dites-vous… J’espère que…

Elle courba la tête :

— Il serait tombé, dit-elle d’une voix étranglée… James ne l’annonce pas formellement mais…

À cette affreuse nouvelle, l’infirme, déjà ébranlé par les émotions de la matinée, ploya sur les genoux et se serait affaissé si la jeune fille ne se fût brusquement redressée pour le soutenir. Devant une autre douleur que la sienne, elle redevenait forte, pleine d’énergie et de sang-froid :

— Du courage, Monsieur Bernard !

En même temps, elle le forçait à s’asseoir, desserrait sa cravate d’une main douce et preste. Il la laissait faire sans aucune résistance, suffoqué, le regard fixe, comme en léthargie. À peine s’il respirait. Saisie d’inquiétude, Martha se reprochait à présent d’avoir parlé trop vite ; mais pouvait-elle s’attendre à ce que le pauvre garçon éprouvât une telle secousse en apprenant la perte d’un homme qui n’était pour lui qu’un patron sympathique…

— Remettez-vous, Monsieur Bernard… C’est moi qui m’affole peut-être à tort… James n’est pas catégorique…