Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/52

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Le soldat avait beau les rassurer dans ses lettres, prétendre qu’il n’était pas militant comme son ami Glaes, mais seulement brancardier et jouissant comme tel de beaucoup d’immunités, il ne tranquillisait peut-être que sa mère. De fait, celle-ci, assez émue tout d’abord, avait peu à peu retrouvé son sang-froid de femme d’affaires et ne s’exagérait plus les dangers que pouvait courir son fils, dont la santé et la bonne humeur ne semblaient du reste aucunement altérées après une si longue campagne.

Au surplus, elle le voyait déjà investi de fonctions sédentaires dans quelque hôpital éloigné des lignes. Sans doute, Victor lui manquait-il aux heures d’intimité ; mais elle se résignait, patriote d’autant plus intransigeante avec ceux qui déploraient la continuation de la guerre que le sort de l’interne lui inspirait moins d’alarme et que, d’autre part, le commerce de charbon n’avait jamais été plus florissant.

En femme de tête, elle avait prévu la crise des transports, l’accaparement des « fosses » par l’occupant, même la rigueur des futurs hivers et, avant qu’il fût trop tard, s’était abondamment approvisionnée, au point que la cour et le jardinet de la maison disparaissaient aujourd’hui sous des amoncellements de gaillettes, de têtes de moineaux et de tout-venant. Bien que les prix eussent déjà subi une forte hausse, elle attendait mieux encore, ne se faisant aucun scrupule de réduire les commandes des particuliers sous prétexte de servir tout le monde. Ainsi se ménageait-elle des réserves, escomptant la disette