Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, tôt ou tard, donnerait à ses stocks une grosse plus-value.

Le père De Bouck, aux vues courtes, n’était pas sans inquiétude au sujet de cet énorme dépôt de combustible qui avait exigé un fort décaissement et pouvait, sinon leur rester pour compte, s’écouler avec lenteur et manger de gros intérêts. Au surplus, son âme honnête répugnait à l’accaparement, surtout en ces temps de détresse, et il se sentait mal à l’aise, au Château d’Or ou chez le coiffeur, quand ses amis l’accusaient, doucement encore et plaisamment, de s’enrichir aux dépens du pauvre peuple. Il craignait de perdre l’estime du quartier et d’exciter un jour la réprobation générale. Mais sa femme à laquelle, timidement, il rapportait parfois les lazzis tendancieux des joueurs de whist, haussait les épaules avec dédain :

— Oui, je vois, c’est Vergust qui donne le ton. Eh bien, je l’engage à se tenir tranquille celui-là… En voilà un qui ne se gêne guère pour hausser ses prix d’une façon exorbitante. Quel exploiteur ! A-t-il seulement maigri d’une livre ? Regardez-le : il n’a jamais été si reluisant ni si gras. D’ailleurs, la viande, les légumes, le beurre, les épiceries, tout enfin ne devient-il pas chaque jour plus cher ? Jusqu’au pâtissier Lavaert qui a doublé le prix de ses tartes et en les réduisant d’un tiers encore ! Et nous serions les seuls à vendre aux anciens prix ? En vérité, vous n’y pensez pas ! Ce serait d’une bêtise. Voyons, il faut vivre. Qu’on vienne donc nous