Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/66

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Le pauvre homme se sentait fort mal à l’aise, tremblant à l’idée que cette redoutable femme eût appris la secrète inclination de son fils et fût venue tout exprès pour leur en demander compte avec sévérité. Pourtant, l’aspect et la voix de la visiteuse trahissaient, malgré leur sécheresse ordinaire, une sorte d’inquiétude où il n’y avait aucune nuance d’irritation. Théodore se résigna :

— Alors, voulez-vous monter, Madame… Excusez si ce n’est pas en ordre là haut… Nous finissons juste de souper. Permettez, je vous montre le chemin…

La jeune fille avait eu le temps de débarrasser la table et d’emporter le couvert dans l’office.

— Asseyez-vous, Madame De Bouck, dit le coiffeur en introduisant la visiteuse. Martha doit être à la cuisine. Un petit moment, je vais la chercher…

Cependant la charbonnière examinait la chambre et ne revenait pas de son étonnement. Jamais elle ne se fût attendue à trouver tant de simplicité et de goût dans un « intérieur » de boutiquier. En vérité, et pour la première fois peut-être, elle soupçonnait toute la vulgarité de son propre salon encombré de peintures et de bibelots de pacotille, comme une loterie de foire où il n’aurait manqué qu’un tournevire. Elle allait peut-être s’en vexer quand Théodore rentra dans la pièce en précédant sa fille :

— Voici Martha, Madame De Bouck…

Renversée sur sa chaise, la charbonnière braquait déjà son pince-nez avec un air de hautaine