Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/86

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— Est-ce une idée, soupira le paralytique, mais il me semble par moment que je revois notre Prosper dans son équipage…

Et c’était effectivement la même voiture qui avait servi il y a vingt-cinq ans aux promenades de leur fils d’adoption, cette berlinette que la jeune Adélaïde poussait alors avec tant d’orgueil au milieu des passants attendris et charmés. Elle luisait toujours sous son laqué blanc et ne montrait aucun signe de dislocation, encore bien assise sur ses flexibles ressorts et ses roues fines comme au temps de son acquisition. Il est vrai qu’elle était de bonne marque et qu’après son service, on l’avait soigneusement recouverte d’une housse pour la remiser en bonne place, dans la chambre aux reliques. Elle était pour ainsi dire intacte, nullement démodée même, et prête à fournir une autre carrière.

De ce qu’un nouvel enfant reposait sur ses moelleux coussins, les vieux se rappelaient peut-être avec moins d’amertume les doux moments qu’elle évoquait dans leur cœur. Du reste, le voisinage d’un enfant est presque toujours salutaire au chagrin, qu’il apaise du moins s’il ne l’écarte tout à fait…

Ce petit paquet de chair rose, si tendre, si joyeux à l’œil et qui dégageait une sorte de lueur dans le sombre hall, telle la crèche du Nazaréen au fond de l’étable, leur donnait parfois l’hallucination de revivre les anciens jours. L’enfant trouvé était revenu sous sa première forme, aussi doux, et sage, et facile qu’autrefois. L’adolescence, la jeunesse de leur Prosper, ils les avaient