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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

l’écart de la foule et des familles tapageuses, elle n’avait pas aperçu Hippolyte qui approchait vivement. Le soldat s’en revenait du poste, léger, content, libre jusqu’au lendemain. Il méditait de surprendre la jeune femme quand il s’arrêta tout ému à l’aspect du joli tableau qu’elle faisait dans la tiédeur blonde du soleil avec sa robe claire, sa pose gracieusement inclinée, ses gestes coquets de chemisière improvisée. Sa « charlotte » de linon lui seyait à ravir comme à une femme de Greuze. Il admirait la fraîcheur, la santé de sa carnation, sa nuque d’un ton chaud, hâlé, magnifique et qui se détachait sur la fine collerette de mousseline dont les godrons se soulevaient à la brise légère.

Cette nuque avait un je ne sais quoi de provocant qui appelait l’ardent baiser. Et le jeune homme, sans défiance, devenu chaste ainsi qu’un athlète, sentait tout à coup comme une bouffée de désir lui monter au cerveau et ses veines se gonfler et toute sa chair se tendre. Qu’est-ce donc qui se passait en lui ? Une envie brutale le prenait d’enlacer cette douce créature si charmante et si bonne, cette petite femme irréprochable qui lui avait donné le vertige du premier désir et à laquelle il ne pensait jamais sans qu’une flamme sensuelle se mêlât aux rêves de sa tendresse. Un parfum pénétrant s’exhalait de sa maturité. Qu’elle était séduisante dans la floraison de ses trente-cinq ans ! Son embonpoint, qui l’avait tant chagrinée au début et dont elle méconnaissait d’ailleurs injustement les avantages, n’avait