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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

— Non, dit-elle, je suis forte, je puis entendre…

Il secoua la tête. Alors elle se mit à l’interroger :

— Et comment es-tu parti ? Ah, je n’ose m’imaginer la douleur de la pauvre maman ! Où vous a-t-on conduits d’abord ? Quand est-ce que tu t’es battu pour la première fois ?

Ses réponses, courtes d’abord, s’étendirent peu à peu et, bientôt, il parla avec abondance, décrivant le pays, les batailles et les souffrances, l’héroïsme de cette armée si petite mais commandée par un jeune chef qui était la personnification du courage et du devoir. Un mélange d’enthousiasme et de tristesse gonflait sa poitrine et cela montait dans ses paroles. Il avait assisté à tant de rudes combats ! Il était à Boncelles, à Haelen, à Aerschot, à Haecht et sur les bords de la Nèthe… Ah, le 9e de ligne avait rudement donné. Ses meilleurs compagnons, ces jeunes bacheliers de l’Université, étaient tombés presque tous. Comment la mort l’avait-elle épargné dans cette averse de feu ? À présent, il se trouvait au milieu d’inconnus, bons camarades assurément, mais sans culture, tout au moins d’éducation, de mœurs différentes. Among them but not of them, disait-il en s’excusant de sa vanité. Il était seul parmi ses frères d’armes sans un véritable ami qui le comprît, avec lequel il pût penser tout haut. Et de cela peut-être il souffrait plus que de tout le reste.