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PRÉLIMINAIRE.

mais afin que nos Lecteurs puiſſent également apercevoir ſes raports avec les Élémens même du Langage, nous allons tracer une eſquiſſe de ces Élémens, de leur origine, & de leur liaiſon avec nos Principes Grammaticaux.

L’origine de la parole eſt un problême ſur lequel nombre de Savans ſe ſont exercés avec plus ou moins de ſuccès ; mais qu’on n’a pu réſoudre juſques à préſent, parce qu’on n’avoit pu réunir un nombre ſuffiſant d’obſervations, enſorte qu’on ſe perdoit dans le vague des hypothèſes, comme il arrive toutes les fois qu’on veut supléer aux faits par la force du génie ou par celle de l’imagination.

Les uns ſupoſent que la parole ou le Langage eſt un pur effet de l’invention humaine ; ils croyent que pendant longtems les hommes furent réduits à de simples cris ; que d’heureux hazards leur firent apercevoir qu’ils pouvoient exprimer par ce moyen non-ſeulement leurs ſenſations, mais leurs idées, peindre les objets eux-mêmes par des ſons quelconques ; & que ces foibles commencemens donnèrent lieu aux Langues, par une marche auſſi lente que pénible.

D’autres, ne pouvant concevoir que fhomme ait pu inventer un Art pour lequel il n’auroit eu aucune diſpoſition naturelle, & déſeſpérant de découvrir des raiſons phyſiques du Langage, ſe ſont réfugiés dans la Toute-Puiſſance de Dieu ; ils ſupoſent qu’il donna aux hommes les mots même dont ils ſe ſervent ; & qu’étant purement paſſifs à cet égard, ils tinrent immédiatement de la Divinité juſqu’à la Grammaire.

Ces ſyſtêmes, exactement opoſés l’un à l’autre, nous paroiſſent faux étant pris dans le ſens le plus abſolu ; quoiqu’ils renferment du vrai, en les prenant dans le ſens le plus reſtraint.

Le Langage vient de Dieu, en ce qu’il forma l’homme avec tous les organes néceſſaires pour parler, qu’il le rendit capable