Page:Courteline - Ah Jeunesse!, 1904.djvu/40

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lui-même, jusqu’à être devenu illisible. Moi, la vie petit à petit se faisant sa place dans le songe, je pensais : « Ce n’est pas naturel. C’est un cauchemar. Je dors, je dors. » Et je dormais si bien qu’à la même minute j’avais déjà cessé de dormir, la nuque dans l’oreiller et les yeux grands ouvert sur la tache livide de la fenêtre. Tantôt je me voyais quittant le restaurant, Mlle Mariannet au bras. La note acquittée ?… Ah ! voilà ?… Sans doute, pourtant ; encore que la question se posât à ma logique : « Par quelle main mystérieuse, alors ? » — Peut-être, aussi, avais-je, sans m’en être aperçu, conclu arrangement à l’amiable, ou bénéficiais-je de cette sérénité avec laquelle sait l’âme, dans le rêve, accueillir les événements du plus surprenant imprévu. Cette hypothèse, peu à peu, s’implantait en mon esprit, elle s’y développait en tache d’huile, elle finissait par hurler d’évidence. Et tout à tout : un carré pâle devant les yeux ; sous la nuque une tiédeur de plumes… L’affreux éveil encore une fois !

— Ah ! bon Dieu !

Je sautais, baigné de sueur, sur mes pieds.

— Quelle heure ? — Trois heures moins un quart !… Comment ! je n’ai dormi que deux minutes ?