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Caroline, les bras croisés.

Qu’est-ce que tu me dis là !

Gabrielle.

La vérité.


GABRIELLE. — Allons donc !
Caroline.

Fernand ?

Gabrielle.

Fernand !

Caroline.

Qu’est-ce qui aurait pu croire ça de lui ?

Gabrielle.

Crois-tu, hein ? Après neuf ans de mariage ! En pleine lune de miel !

Caroline, atterrée.

Eh bien, nous sommes propres, toutes les deux !

Gabrielle, avec espoir.

Ah bah !… Est-ce que toi aussi ?…

Caroline.

Non ; moi, ce n’est pas cela. Seulement, imagine-toi que j’ai tous les ennuis : ma belle-mère est à l’agonie et je suis sans bonne.

Gabrielle.

Allons donc !

Caroline.

C’est comme je te le dis.

Gabrielle.

Tu as renvoyé Euphrasie ?

Caroline.

Ce matin !

Gabrielle.

En voilà une histoire !

Caroline.

Ne m’en parle pas ; j’en suis malade. D’autant plus que c’était une perle, cette fille !

Gabrielle.

C’est vrai ?

Caroline.

Une perle ! Un diamant ! Elle avait toutes les perfections ! — Mais voleuse !…

Gabrielle.

Qu’est-ce que tu veux ! Quand ce n’est pas ça, c’est autre chose. Ainsi moi ; … tu te rappelles Adèle, ma femme de chambre ?

Caroline.

Parfaitement. Une grande bringue qui avait une tête de brochet ?

Gabrielle.

Précisément !

Caroline.

Eh bien ?

Gabrielle.

Est-ce qu’un jour je ne l’ai pas pincée en train de se débarbouiller avec mon éponge de… toilette ?

Caroline, suffoquée.

Pas possible ?

Gabrielle.

Ma parole d’honneur !

Caroline.

Ah ! la sale bête ! Je l’aurais tuée !

Gabrielle.

Tu es bonne ! On n’a pas le droit. — Qu’est-ce que je disais donc ? (Éclatant.) Ah oui ! Alors voilà, ma chère ; il me trompe !

Caroline, la consolant.

Eh là ! Eh là !

Gabrielle, hurlant.

Hi ! Hi ! Hi !

Caroline.

Es-tu bien sûre, au moins !

Gabrielle, les mains au ciel.

Ah ! Dieu !

Caroline.

Mon pauvre chou ! Mon pauvre chat !

Gabrielle, toujours sanglotante.

Ah ! oui, va, tu peux me plaindre ! Je suis assez malheureuse.

Caroline.

Mais je te plains de tout mon cœur ! Ah ! bien sûr non, tu n’avais pas mérité ça !

Gabrielle.

Enfin, est-ce vrai ?

Caroline.

Voyons, conte-moi ça en détail. Dis-moi tes peines, ma chérie ; cela te soulagera toujours un peu.

Gabrielle.

Eh bien voilà. (Elle se mouche, se tamponne les yeux, etc.) Tu sais que Fernand va à la Bourse tous les jours ? Moi, je reste seule, et je m’ennuie. Alors, qu’est-ce que je fais ?

Caroline.

Tu retournes ses poches, je connais ça.