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— Ah ! pense en soi le pauvre tortillard. Comme tu aurais un coup de ma béquille par le nez, si je n’avais pas peur, vilaine bête, de me flanquer les quatre fers en l’air !

Oui, mais voilà ; il se les flanquerait en l’air, les quatre fers, inévitablement ; et le chien, qui n’en ignore pas, abuse de la circonstance. À la grande joie des gamins qui lui donnent bruyamment raison, il redouble de malédictions, saute, danse, rebondit, injurie, vocifère, tandis que l’impuissant tortillard, rouge de honte, se hâte vers l’étude Lebourru, — pareil, entre ses deux béquilles, au battant agité d’une cloche, son derrière démantibulé tendu sous le pan de sa redingote comme un paquet qui lui pendrait des épaules.

Or le tortillard, ce jour-là, a eu une idée lumineuse : partir plutôt qu’à l’ordinaire et passer par la rue de La Rochefoucauld.

C’est un détour de deux minutes (autant de pris sur les douces paresses matinales goûtées en les tiédeurs du lit) ; mais le mal n’est pas considérable, compensé et au-delà, d’ailleurs, par la joie que goûte l’employé à jouer au méchant chien, son ennemi, un tour.

La bonne farce ! Il s’en réjouit, se louant d’en