Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/120

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et voilà que vous commencez par lui mettre le pied sur la gorge ! Croyez-vous que ce soit raisonnable ?… Tenez, si vous étiez gentil, savez-vous ce que vous feriez ?… (Il souriait ; le peloteur câlin qu’il savait être appliqua une tape amicale sur l’épaule du compositeur). Vous vous mettriez au piano et vous donneriez à Monsieur une idée de votre partition. Il est amateur de musique et ce qu’il a ouï dire de la vôtre excite sa curiosité à un point que vous ne sauriez croire ! Un aperçu de Madame Brimborion, s’il vous plaît !… la gavotte du deuxième acte, par exemple ; ou, mieux encore, l’ouverture !… que vous m’avez jouée l’autre soir, et qui est un pur délice. Soyez bon ! Faites-nous ce plaisir, cher ami.

Hour se tut. Il avait abaissé sur Hamiet ce regard alourdi de dédain, qui creuse un fossé, met un monde, entre l’Artiste et le mufle indigne. Deux ennemis se disputaient son cœur : la religion de sa personnalité surhumaine, et ce chatouillement d’amour-propre, non sans charme, qui fait éclore le sourire sur les lèvres d’une duchesse dont le « Gironde, la môme ; je me l’enverrais bien ! » d’un ramasseur de bouts de cigares a flatté l’oreille au passage. Un instant, il balança. Enfin, pourtant, ayant sous son ample fessier attiré la chaise de cuisine qui formait tabouret de piano, il déposa sur le clavier ses mains qui aussitôt prirent congé l’une de l’autre et filèrent chacune dans un sens, à l’image de deux personnes pressées de se rendre à leurs affaires.

Il daignait !…

— Hum ! fit Cozal.

D’un clignement d’œil il appelait l’attention d’Hamiet, lui recommandait de ne rien perdre du spectacle qu’il allait voir.

C’était l’accès, en effet ; c’était l’accès aigu lui-même, au