Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oui.

— Je ne vois pas bien…

— Laisse-moi parler ; tu vas voir. Une supposition, n’est-ce pas, que le tambour-major et le docteur ont le diabète tous les deux ?

— Bon !

— Une autre supposition qu’ils fréquentent le même café et qu’ils prennent tous les soirs l’apéritif ensemble ?

— Bon.

— Tu admets ce postulat ?

— Jusqu’ici, oui.

— Alors, voici ce que je te propose. Au lieu de jouer, par exemple, au piquet ou aux dominos, ils jouent le vermouth à l’analyse d’urine. C’est le docteur qui fait l’analyse, et celui des deux qui a le plus de sucre paie la consommation de l’autre !… Qu’en penses-tu ?… Hein, elle est bonne ?

Et sûr de sa trouvaille, cet être délicieux promenant autour de soi des yeux ruisselants de gaîté, de douceur, d’intelligence, riait au fou rire général dont l’assistance saluait une fois de plus sa fécondité inventive, – au sourire de Cozal aussi, dont la finesse naturelle rebutait aux outrances du grotesque et de la charge, et qui, séduit et choqué tout ensemble, murmurait que : « … sans doute, … évidemment, … bien sûr », que : « … pourtant, … d’autre part, … peut-être » ; tranchait finalement la question en la renvoyant au lendemain pour information plus ample.

Or, ce même lendemain, comme il sautait du lit, il aperçut à terre le rectangle azuré d’un pneumatique que son concierge lui avait glissé sous sa porte.

Il le releva, l’ouvrit et lut :