Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/148

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— Qui donc suis-je ? et d’où vient que je n’aie plus de rancune contre lui ?

Prête à partir, elle est habillée de sa jupe noire, de sa jupe noire à pois blancs, d’où déborde insensiblement la pointe d’un petit soulier jaune. Un mantelet couvre ses épaules, et son chapeau, fleuri comme un champ en juillet, de bleuets et de coquelicots, est là, à portée de sa main, que retient une pudeur dernière.

— Lâche, songe-t-elle, tu finiras bien par y aller !

Lâche ?

Sans doute !

Et le ciel en soit loué ! Allons, Marthe, point de fausse honte ; mets ton chapeau et pique en tes cheveux ta voilette. Ah ! la folle qui boude son cœur !… la folle qui voudrait que la vie donnât plus qu’elle ne peut donner !… la folle, qui n’ose pas aller à ses amours quand elle meurt d’envie d’y courir ! Mets ton chapeau. Aux noires épaisseurs de ta nuque, épingle le tulle léger… Est-ce ta faute, si l’amour est comme ces enfants, un peu rageurs, un peu querelleurs, dont on dit que le fond est bon, qui crient comme de petits putois parce qu’on leur a tiré l’oreille et qui, le dos tourné, n’y pensent plus ? Tout l’amour, pauvre et tendre cœur, ne tient-il pas dans le souvenir de s’être embrassés à la bouche ? et ne faut-il pas tout ramener aux vers charmants du chansonnier :


                Qu’importe les trahisons
                Des lèvres que nous baisons,
                Si ces lèvres sont jolies ?

Brusquement, Marthe se résout.

— Louise !