Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/156

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faussement scandalisées de Cozal, qui commençait à trouver drôle le parti pris systématique où s’entêtait cette ingénue de montrer son derrière sans discontinuer.

Puis, tandis qu’un genou à terre, Mme Tourdebec la chaussait, lui encapuchonnait les pieds de ses hautes bottines délacées, elle se lissa les bandeaux devant un petit miroir de poche juste assez vaste pour qu’elle pût, tour à tour, y refléter chacun de ses yeux, le joli écrin de ses quenottes, et son nez troussé d’une chiquenaude, opération délicate qui, un instant, l’absorba.

Enfin :

— Hop ! Voilà qui est fait ! dit-elle en sautant sur ses pieds. Mon corsage, et je suis à vous !

Du menton, Cozal approuva. À vrai dire, un bruit de mots vagues, sans signification précise, avait seul frappé son oreille, car toute sa pensée était retournée à Marthe et c’est vraiment sans la moindre émotion des sens qu’il avait souri tout à l’heure à la maigre nudité de sa petite camarade. Pour en avoir désespéré, la soudaine revenue de Marthe Hamiet l’avait quelque peu ahuri, mais surtout elle avait fait naître, en sa conscience pavée des meilleures intentions, des impressions aussi enchevêtrées et fleuries que les haies de son petit jardin ; car nous ne saurions trop répéter à quel point il était le contraire d’un méchant, l’antipode d’un cœur sec, l’inverse d’un ingrat. Oui, il avait cela d’excellent qu’il détestait ses erreurs et qu’il haïssait à l’égal de sa plus mortelle ennemie son aisance à y retomber. N’importe ; Marthe Hamiet avait trop fait, cette fois ! Son cœur sautait en sa poitrine au souvenir des pauvres beaux yeux baignés de larmes souriantes ; du pauvre, et doux, et cher visage qui s’était venu cacher,