Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/162

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déplorait la facilité de la foule en général et de Cozal en particulier à les prendre pour argent comptant sans se donner la peine d’en contrôler les sources, il convint qu’il avait eu le tort de s’en remettre aux apparences et il en montra de vifs regrets, soulevant cette fois jusqu’à ses lèvres les deux petites mains qu’il baisa en manière d’amende honorable. Comme beaucoup de cyniques inconscients, il était, quand il s’y mettait, d’une naïveté à rendre des points à Jocrisse ! trop évidemment femme lui-même pour que le fatras des vagues lyrismes, des poétiques aspirations, ne trouvât pas en lui de complaisants échos. Ainsi, aiguillés dans le sens de ce qu’on pourrait appeler le quiproquo sentimental, longuement ils philosophèrent, causant de la bêtise de la vie où, à la recherche les uns des autres, les gens de cœur errent à tâtons, comme de pauvres aveugles atteints de cécité et même privés de la lumière, chantant le plaisir que l’on goûte à échanger des idées entre personnes sympathisantes, traitant de la douceur d’aimer, de l’agrément de se comprendre et d’autres sujets fort touchants. Il commençait à la trouver très gentille, et, qu’il le fît exprès ou non, à ralentir étrangement le pas.

Bien sûr, rien n’était changé à ses belles résolutions, et ses serments de fidélité demeuraient vierges de toute lézarde, mais enfin il en est du mot « fidélité » comme de pas mal d’autres mots : affaire d’interprétation !… D’abord, primo et d’un, une fois n’est pas coutume ; puis il n’y a pas tromperie au sens précis du mot quand on conserve assez d’empire sur soi-même pour rester mentalement fidèle, l’instant psychologique venu, à la dame de ses pensées, (point sur lequel il était sûr de lui) ; enfin, le sentiment très exact que la petite camarade ne demandait qu’à donner des marques éclatantes de sa bonne camaraderie