Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/167

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qu’elle avait closes. Et déjà, dans la brume du rêve qui devient sommeil, il revivait la minute, l’inoubliable minute, connue le matin au côté de Marthe, quand il eut la vague conscience d’une bouche qui frôlait la sienne, d’un baiser qui se posait là, à fleur de lèvres, comme une invitation au repos pleine de gratitude et de sollicitude tendres…

— Bonsoir, Robert.

— Bonsoir, Hélène.

Et il tomba au néant.


XI


Vers neuf heures et demie, lesté d’une douzaine d’huîtres, d’un gruyère et d’un mazagran, Cozal s’achemina à petits pas vers la rue Grange-Batelière, bien que le ciel fondît lentement sur le pavé gras de Paris et que l’usage du parapluie lui eût été de tous temps inconnu. Il avait, comme on dit, les nerfs sur l’estomac et il estimait qu’un peu de marche contrarierait l’effet fâcheux, au point de vue de la digestion, de cette insolite présence.

Sans être exactement fixé sur la cause de son inquiétude, il était cependant inquiet ; au fur et à mesure que ses pas rapprochaient de lui le théâtre et l’émotion de son premier début, une appréhension lui venait, touchant l’accueil réservé à sa pauvre Brimborion : mignonne silhouette dont il avait eu la faiblesse – il s’en rendait compte, à présent – d’abandonner la grâce fragile aux pattes créatrices, donc meurtrières, d’Hamiet. Puis, Hamiet lui-même l’intriguait, brusquement tombé depuis deux jours des fougues de sa fièvre habituelle à un calme plat, gros de mystère ; tel que la veille, aux couturières,