Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/177

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montreur, à son insu, du musée de figures de cire qu’était son étrange génie, il tira le rideau, aux yeux de son ami, sur sa dernière et sa plus belle création. Et tandis qu’il mettait en branle les rouages de la mécanique, expliquait la combinaison : l’installation à Paris de la roulette et du trente-et-quarante fonctionnant officiellement sous le contrôle des pouvoirs publics ; la pluie des millions, conséquence logique de l’affaire, la répartition en trois parts du gain obligé de chaque jour, l’une pour lui, l’autre pour l’État, la troisième…

— Écoute ça, Cozal.

immédiatement convertie en rente 3 % incessible et insaisissable, au profit des femmes de perdants, lesquelles se trouvaient ainsi d’autant plus favorisées que les maris joueurs l’étaient moins ; oui, tandis qu’il développait cette conception prodigieuse, répétait : « Hein ? Hein ? Comprends-tu ? C’est l’utilisation du vice ! la moralisation du jeu, la nécessité pour les Chambres d’accueillir par acclamations un projet profitable à la chose publique autant qu’à l’individu !… et au bout de tout ça, la fortune, dont tu as ta part, comme de juste ! » :

— Ah ! bon garçon ! songeait Cozal. Bon garçon !

Sans doute, il lui avait gâché sa petite histoire, tué ses petites espérances, perdu son petit bien !… Mais quoi ! quelle rancune possible contre un homme qui parlait avec une telle voix, regardait avec de tels yeux, souriait avec un tel sourire ? Puis, — il faut être juste aussi ! – lequel, de lui ou d’Hamiet, avait le plus indiscrètement usé du petit bien de l’autre ?… Et ému du mouvement si gentil de son ami lui taillant tout de suite sa part d’un gâteau qui ne serait jamais cuit, d’une chimère qui resterait chimère ; ne doutant pas une seconde que la nouvelle